Par Marie-Christine Morosi
Modifié le -
Publié le
| Le Point.fr
Langue morte le latin ? Pas du tout ! C'est même la langue commune à tous les amateurs et les professionnels du végétal. Et cela ne date pas d'hier.
En dehors de leur passion commune pour les plantes, s'il existe un
point commun entre les paysagistes, horticulteurs, botanistes et
jardiniers, c'est bien le latin. Dénominateur commun à tous les amateurs
de botanique (et plus largement aux sciences naturelles), cette langue
dite « morte » reste bien vivante. S'intéresser à l'univers végétal
revient à un moment ou à un autre à recourir à la langue de Virgile.
Sans lui comment croyez-vous qu'un pépiniériste néo-zélandais et un paysagiste mexicain pourraient communiquer s'ils n'utilisaient pas le même langage pour sélectionner des spécimens ? Un peu à la manière de Monsieur Jourdain découvrant qu'il fait de la prose sans le savoir, le jardinier, sans parler couramment la langue de Cicéron, pratique le latin malgré lui.
Feuilleter les catalogues et
les ouvrages dédiés aide à se familiariser avec cette langue utilisée
pour nommer précisément les plantes aussi bien en herboristerie que sur
les flacons d'huiles essentielles. Entrer dans une jardinerie et
demander à un vendeur un pied de sauge a des chances d'entraîner pour
réponse : « Une sauge ? Laquelle » ? De la sauge officinale (Salvia
officinalis) ou une Salvia uliginosa, une Salvia sclarea L., une Salvia
rutilans, une Salvia nemorosa ou une Salvia transylvanica ? La
sauge fait en effet partie de ces espèces végétales qui se déclinent
par centaines ! Peu offrent une telle diversité, puisque, entre les
dénominations génériques et les sous-catégories, la famille des sauges
compte 900 espèces… Même le romarin officinal (Rosmarinus officinalis) en fait partie !
L'un des tout
premiers à avoir donné des noms aux plantes venues de lointaines
contrées, et qui depuis ont pris racine dans nos jardins, est un moine.
Formé à la botanique et excellent dessinateur, Charles Plumier, né à Marseille
en 1646 et appartenant à l'ordre des Minimes, participe en 1689 à la
première campagne d'exploration des richesses naturelles des Antilles.
Lancée par Louis XIV,
la campagne est menée par Michel Bégon, intendant des galères à
Marseille et futur gouverneur du Québec. Las, au retour de dix mois
d'expédition, la collecte de plantes et l'herbier du moine disparaissent
dans un naufrage.Mais il restait heureusement à Charles
Plumier, ses centaines de dessins et ses manuscrits. Le tout étant d'une
telle précision, que Louis XIV lui attribue le titre de botaniste du
roi. Le moine-illustrateur participera à deux autres expéditions en 1693
et 1696 au cours desquelles il va décrire précisément les arums, les
clématites et quantité de fougères. Il sera le premier à attribuer à des
plantes qu'il découvre et qu'il dépeint des noms de naturalistes : le
« fuchsia » pour le Bavarois Leonhart Fuchs, le « bégonia » en hommage à
Michel Bégon, le « magnolia » pour Pierre Magnol du nom du médecin de
Louis XIV.
Si Charles Plumier, décédé en 1704, n'a
attribué son nom à aucune des plantes dépeintes dans les vingt-deux
volumes qu'il a rédigés, le suédois Carl von Linné (1707-1778) saura lui
rendre hommage, lui dédiant toute une famille de végétaux, les
Plumeria, soit les frangipaniers au parfum divin. Linné s'est inspiré
des observations et de la classification des découvertes du moine pour
établir sa propre nomenclature, toujours en usage.
Si
le latin a toujours été utilisé en sciences naturelles, Carl von Linné
est allé plus loin pour fixer leur classification. C'est en 1753 qu'il
met au point une nomenclature binominale latinisante, établie à partir
du nom du genre suivi d'une épithète pour désigner l'espèce. Exemple
avec l'Hydrangea paniculata, l'hydrangéa à panicules (à inflorescence en
épi) bien différent de l'Hydrangea macrophylla, l'hortensia à grosses
têtes rondes. Et gare aux faux amis ! Ne pas confondre le seringa au nom
scientifique, Philadelphus et le Syringa vulgaris, nom scientifique du
lilas… On vous avait prévenu, au jardin (hortus), on y perd parfois son latin !
Aller plus loin avec notre dossier Philosophies du jardin
Sans lui comment croyez-vous qu'un pépiniériste néo-zélandais et un paysagiste mexicain pourraient communiquer s'ils n'utilisaient pas le même langage pour sélectionner des spécimens ? Un peu à la manière de Monsieur Jourdain découvrant qu'il fait de la prose sans le savoir, le jardinier, sans parler couramment la langue de Cicéron, pratique le latin malgré lui.
Une langue pratique pour les grandes familles
Fuchsia, bégonia et magnolia
Classification à la suédoise
Aller plus loin avec notre dossier Philosophies du jardin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire